Exfiltré(e)s/Version Française - Mars 2024 : 50 nuances d'éco-émotions.
Dans ce numéro du mois de mars, nous livrons nos réflexions et apprentissages sur un sujet à la fois très personnel mais aussi grandement partagé ou au moins discuté dans notre entourage: l’éco-anxiété. Pas besoin de sortir votre sachet d'œufs de Pâques pour vous consoler, ça va très bien se passer !
Au sommaire de cette édition :
Rubrique Du Savoir Aux Actes - Comprendre et surmonter l’éco-anxiété
Rubrique Coup de Cœur - Comment gérer vos amis (et vos amants) face à l’éco-anxiété
Bonne lecture et merci à tous nos nouveaux abonnés ! N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, remarques et suggestions.
DU SAVOIR AUX ACTES 🙋: Comprendre et surmonter l’éco-anxiété
Par Carole
Le printemps arrive, les jours s’allongent et le moral remonte… mais pas pour tout le monde. Même si l’anxiété autour des sujets écologiques ne s’invite pas dans les conversations du quotidien, une bonne partie des personnes croisées au cours de Fresques du Climat, et celles avec qui j’aborde des sujets plus profonds sont occasionnellement traversées par des sentiments d’impuissance, d’urgence ou de pessimisme face la situation.
Selon le sondage IFOP pour Qare1(2022), 67% des Français déclarent ressentir de la peur face à l’avenir écologique, tandis que le sondage IFOP mené pour EDF en 20232 montrait que 43% de la population mondiale se montre très préoccupée par le changement climatique. Les groupes dont le taux d’éco-anxieux est le plus important sont les femmes, les jeunes, les minorités (en particulier les peuples autochtones), et les personnes dont le métier expose au ressenti ou à l’information liés à la crise écologique.
Bien que cumulant plusieurs facteurs de risque, j’ai le sentiment d’avoir développé une certaine forme de positivité face aux enjeux écologiques, et me demande parfois si je ne suis pas devenue une aveugle optimiste.
Pour répondre à ce questionnement et savoir comment mieux comprendre et accompagner ceux qui traversent la tempête des éco-émotions, j’ai suivi le parcours dédié de la “Carbone 4 académie” lancé en septembre dernier et animé par la psychothérapeute Charline Schmerber. Je partage ici une sélection de ce que j’ai appris et retenu, tout en vous encourageant très vivement à suivre ce parcours (d’une durée de 5h, avec en plus des exercices à compléter pour s’approprier son “journal de bord”).
Un passage obligé ? 🫣
L’éco-anxiété n’est pas une pathologie mais un sentiment légitime, et même un signe de bonne santé mentale qui résulte de notre prise de conscience des enjeux environnementaux. En ce sens, elle est rationnelle car elle provient d’une compréhension du monde et des désordres écologiques à venir.
Ce n’est donc pas forcément un phénomène associé uniquement à des sentiments négatifs. Le sondage IFOP 20223 met en lumière une grande variété d’émotions qui dépasse le concept d’éco-anxiété :
Le sondage établit un lien entre le stress “pré-traumatique” ressenti au travers de l’anticipation négative des effets des destructions écologiques et l’action à laquelle ce stress peut mener, provoquant ainsi des émotions agréables. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde, et certains restent “bloqués” dans la négativité.
La peur n’est jamais bonne conseillère 🐢
Peu après la prise de conscience, on peut observer une certaine frénésie : les émotions ressenties nous mettent certes en mouvement, mais pas toujours pour le meilleur.
Beaucoup passent par une phase de boulimie informationnelle : notre cerveau veut nous protéger et donc tout comprendre, on tire un fil et on s’aperçoit que le problème dépasse largement le climat. On prend d’abord conscience du sujet, puis de sa complexité, enfin de son caractère systémique et forcément…on panique !
Cette obsession peut ne plus laisser d’espace disponible pour la réflexion et la prise de recul. C’est la porte ouverte au développement de comportements addictifs, aux insomnies, et même parfois à l’isolement lorsque nos proches semblent ne pas comprendre ce que nous traversons et ne pas être intéressés ou touchés par le problème.
Lorsque la dissonance cognitive entre ce que l’on sait, ce que l’on souhaite et ce que l'on fait au quotidien est trop grande, on peut être tentés de tout remettre en cause : nos relations, mais aussi notre travail, et même notre mode de vie, avec une bonne couche de culpabilité qui vient envelopper l’ensemble. Mais avant de tout casser autour de soi, il est important de comprendre que c’est une phase à traverser, que nos proches traverseront peut-être un jour, à leur rythme.
Selon le psychologue belge Erik de Soir, il existe plusieurs étapes dans le traumatisme :
Ainsi, un peu comme pour la célèbre courbe du deuil de Kübler-Ross, on voit que le choc peut amener à l’éveil et à l’acceptation lucide. L’éco-anxiété deviendra éco-lucidité une fois qu’on aura traversé le deuil et accepté ses cadeaux: l’apprentissage, la résilience, et le sentiment de responsabilité. Il existe heureusement des moyens pour adoucir ces étapes et mettre en route la dynamique avant de tout plaquer pour aller finir dans un bus désaffecté au fond des bois.
Transcender l’éco-anxiété 🧘
En premier lieu, même si la crise écologique vient renforcer nos insécurités profondes, elle peut être une occasion de renforcer sa résilience émotionnelle. Gérer ses émotions, c’est d’abord permettre qu’elles nous traversent physiquement plutôt que de les enfouir ou de les anesthésier (avec un bon petit verre de ce que vous voulez, et plus ou moins de modération).
C’est aussi l’occasion de mieux accepter la notion de limites : les limites planétaires, mais aussi notre propre finitude, y compris notre vieillissement et notre mort, deux éléments que la société actuelle nous amène à considérer comme inacceptables. Le monde est à l’image de notre vie, fini et incertain, et il nous faut apprendre à vivre avec, voire mieux, à danser avec cette incertitude.
Quoique nous fassions, nous ne sous sentirons jamais suffisamment prêts et suffisamment vertueux. Ce constat n’est pas une carte blanche pour se déresponsabiliser, mais plutôt pour ne pas sacrifier le présent, continuer à cultiver la joie tout en renforçant son lien au vivant, et surtout en se mettant en action.
Ainsi, on pourra remplacer la culpabilité - paralysante - par la responsabilité, qui elle est bénéfique à tous et permet d’agir avec détermination et courage. Plutôt que de s’enfermer ou de se disperser dans des actions frénétiques qui nous mènent directement au burn-out, il s’agit de s’interroger sur le choix de l’action juste pour nous.
Certains choisiront d’aider les personnes ou de soigner les éco-systèmes les plus impactés, d’autres de sensibiliser, et d’autres encore de résoudre des problématiques écologiques. En acceptant les limites de notre impact individuel, on peut aussi questionner et s’impliquer dans la responsabilité collective.
Alors profitons de ce long week-end pour prendre le temps de courir dans l’herbe pieds nus, même sous la pluie, nous y trouverons peut-être quelques trésors cachés.
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💚COUP DE CŒUR : Comment gérer vos amis (et vos amants) face à l’éco-anxiété ?
Avant de se consacrer à plein temps aux enjeux climatiques, Frédéric Laloux, ingénieur de formation, a travaillé pendant 10 ans chez McKinsey comme consultant, puis en tant que coach indépendant pour aider les entreprises et les dirigeants à aborder la transition ESG.
Dans cet épisode passionnant, il nous livre ses perspectives à propos des résistances au changement et comment les surmonter. Il aborde également les différences culturelles sur le sujet de l’environnement de manière fine et nuancée (un point de vue d’autant plus informé que Frédéric Laloux réside aux Etats-Unis depuis de nombreuses années). Enfin il présente « The Week » , un outil qui permet de se former à la transition écologique en famille, entre amis ou collègues.
Et pour conclure sur une note légère (!NSFW!), regardez cet épisode croustillant de « Fleur Bleue » , la série de Canal + consacrée aux pérégrinations d’une trentenaire célibataire. Ici, Fleur rencontre un véritable éco-anxieux, pour le meilleur et pour le pire !
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Sondage Ifop pour Qare réalisé du 27 au 29 juillet et du 10 au 12 août 2022, sur un échantillon de 2100 personnes représentatives de la population française, âgée de 15 ans et plus.
Étude menée par Ipsos en France du 16 août au 2 octobre 2023 auprès de 29 pays, dont ceux qui émettent le plus de CO2, et un échantillon de 23 433 personnes représentatif de la population, âgées de 16 ans et plus de chacun des pays.
Sondage Ifop pour Qare réalisé du 27 au 29 juillet et du 10 au 12 août 2022, sur un échantillon de 2100 personnes représentatives de la population française, âgée de 15 ans et plus.